Démanteler Calais : une urgence humanitaire

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Edito

Je me suis rendue lundi 24 Octobre à Calais pour observer et analyser les opérations d’évacuation ainsi que rencontrer les migrants, les ONG et les autorités. Accompagnée de mon collègue Erwan Binet, j’ai constaté à quel point le Gouvernement démantelait le site à juste titre, avec humanité et rigueur. Je veux souligner ici l’esprit et la méthode qui ont présidé à cette opération. Mercredi, plus de 4 000 personnes avaient déjà été mises à l’abri dont près de 800 mineurs. Le tout sans qu’aucun incident majeur ne soit à déplorer. L’évacuation s’est déroulée dans le calme, grâce à une organisation millimétrée des autorités. Depuis plusieurs années, la « jungle de Calais » – je n’aime pas ce terme pour être honnête – faisait régulièrement la une de l’actualité, alimentant les controverses, les polémiques, et même parfois la désinformation au détriment de la vérité et de l’objectivité.  Il convient donc de rétablir les faits.

S’il fallait évacuer le camp de Calais, c’est tout simplement parce que la situation était devenue inacceptable. Inacceptable pour les Calaisiens qui voyaient l’image de leur ville et l’économie locale se dégrader. Inacceptable pour les forces de l’ordre qui étaient la cible de violences répétées de la part de personnes désespérées et cherchant par tous les moyens à franchir la frontière. Inacceptable pour l’image de la France qui laissait se développer un gigantesque bidonville et qui semblait impuissante à venir en aide à ces personnes. Inacceptable, enfin et surtout, pour celles et ceux qui vivaient dans cet endroit insalubre et qui étaient prêts à prendre tous les risques pour une traversée vers l’Angleterre. La situation sécuritaire et sanitaire dans le camp était devenue depuis longtemps incompatible avec le maintien d’un tel campement. C’est en cela que le démantèlement du site était devenu une urgence humanitaire.

Les migrants ont été enregistrés et évacués dans des bus vers les 450 centres d’accueil et d’orientation répartis dans toutes la France. Il s’agit de structures organisées et non pas de « mini Calais » comme cela a pu être entendu. Ils seront accompagnés dans leurs démarches administratives et leur demande d’asile. Les mineurs isolés ont été logés dans des centres d’accueils provisoires en attendant l’instruction de leur dossier.

Certaines questions restent cependant en suspens. On sait qu’une partie des migrants refusent de partir car leur espoir est toujours de se rendre en Angleterre qui doit prendre ses responsabilités. La question des mineurs isolés devra aussi être réglée. Il nous faut les prendre en charge.

Malheureusement, à l’approche de certaines échéances électorales, d’aucuns jugent utile d’exploiter la misère à des fins bassement politiciennes. Il en va ainsi de certains chefs d’exécutifs locaux comptant parfois des millions d’habitants, qui semblent persuadés que l’arrivée de quelques migrants va remettre en cause l’équilibre et la cohésion sociale de notre territoire. C’est dire le peu de confiance porté à leurs concitoyens. Heureusement, beaucoup plus de citoyens, d’associations, d’élus constructifs préfèrent analyser, comprendre, venir en aide, et trouver des solutions pour répondre à la situation. Ce sont eux qui font honneur à la France.

La position du Président de la République et du Gouvernement a toujours été claire. Fermeté contre l’immigration illégale et lutte contre les réseaux d’une part. Devoir d’accueil et simplification de la procédure d’autre part. La réforme du droit d’asile et la loi relative au droit des étrangers sont venues traduire cette volonté.

Pascal Brice, Directeur de l’OFPRA a récemment déclaré « qu’accueillir, ça fait du bien ». Je souscris à ses propos. N’oublions pas que derrière les chiffres, il y a des hommes, des femmes et des enfants dont le parcours de vie a été brisé par la guerre, la répression et la pauvreté. J’en ai rencontré quelques-uns lundi. Ils m’ont dévoilé une partie de leur histoire à travers des témoignages touchants. Nous avons un devoir élémentaire d’humanité envers eux. Ce n’est pas par hasard qu’ils sont arrivés là. Ce n’est pas par hasard qu’ils ont tout quitté, leurs racines territoriales, familiales, historiques. Ce n’est pas par hasard qu’ils ont pris tous les risques pour venir jusqu’ici. C’est parce qu’ils espéraient un lendemain meilleur en Europe, un endroit où ils pourraient vivre dignement, librement et en sécurité. Ne leur fermons pas la porte, ne manquons pas notre rendez-vous avec l’Histoire.

Marie-Anne Chapdelaine

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