Responsabiliser les multinationales pour moraliser l’économie

Edito      Sans titre 1

Le 24 avril 2013 un immeuble de Dacca au Bangladesh abritant une usine textile s’effondrait faisant 1 135 morts. L’usine était la sous-traitante de nombreuses marques de vêtements européennes, y compris françaises. L’émotion suscitée par le drame du Rana Plaza a été intense et légitime. Cette catastrophe est venue interroger la position de notre société face aux évolutions de l’économie. Depuis longtemps notre économie s’est internationalisée. La division internationale du travail est devenue la norme : des matières premières prélevées sur un continent sont transformées dans un deuxième, les pièces détachées assemblées dans un troisième et le produit final est vendu sur un quatrième continent. Bien souvent, ces tâches de production sont sous-traitées, c’est-à-dire déléguée à des entreprises subalternes à la société donneuse d’ordre qui vend le produit final. Il arrive que ces sociétés mères prennent des risques choquants ou ferment les yeux sur des pratiques indécentes sous prétexte que la législation sociale est faible ou inexistante dans les pays ou sont basés les sous-traitants. Le drame humain du Rana Plaza comme le drame environnemental de l’Erika il y a 15 ans sont la preuve qu’il est nécessaire de mettre les sociétés donneuses d’ordre devant leurs responsabilités.

Une question a rapidement émergé : que peut-faire la France et le législateur pour éviter qu’un tel drame se reproduise ? Un constat s’est d’abord imposé : les « bonnes pratiques » développées par les entreprises depuis plusieurs années sont pertinentes mais pas suffisantes. L’intervention du législateur était donc nécessaire. Le 29 novembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture la Proposition de loi relative au Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Ce texte, porté par mon collègue Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle, a pour ambition de mettre les grandes entreprises qui externalisent leur production devant leurs responsabilités.

Le premier volet de la loi est l’instauration d’un plan de vigilance. Les grosses entreprises dont certaines filiales, sous-traitants ou fournisseurs sur lesquels elle exerce une influence déterminante qui sont situés à l’étranger devront désormais élaborer un plan de vigilance des risques d’atteintes aux droits de l’Homme et aux libertés fondamentales, de dommages corporels ou environnementaux et de risques sanitaires. Ce plan sera public et pourra faire l’objet d’un contrôle par le juge sous saisine d’une personne, d’un syndicat ou d’une association.

Le deuxième volet de la proposition de loi est la mise en place de la responsabilité civile de la personne morale en cas de dommages liés à ses activités. La faute est caractérisée en cas de non-respect du plan de vigilance et s’il existe un lien de causalité entre la faute et le préjudice. L’amende encourue est de 10 millions d’euros.

Ce texte sera adopté en lecture définitive dans le courant du mois de janvier pour une application que j’espère rapide. Je veux également souligner qu’il a été voté par tous les groupes de gauche à l’Assemblée nationale, alors que la droite a voté unanimement contre. Ce texte sera sans doute la dernière pierre du quinquennat de François Hollande en matière de moralisation de l’économie. Souvenons-nous de la loi de séparation des banques de dépôt et des banques d’investissement. Souvenons-nous de la loi Sapin II sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique. Toutes ces lois n’avaient qu’une ambition : responsabiliser les acteurs économiques, et placer la protection des êtres humains au-dessus des profits.

Marie-Anne Chapdelaine

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