J’ai pris le parti de m’exprimer dès le début de la présentation de la Loi Travail en précisant que je ne la voterais pas dans sa version première et que je me mobiliserais pour faire bouger les lignes. Ce fut le cas.
Je m’en suis tenue ensuite à une ligne de conduite :
Pas d’expression publique – nous en souffrons tellement depuis des années de ces petites phrases, de cette indiscipline, de ces expressions publiques qui percutent les discussions internes, de ces quelques egos surdimensionnés ;
Pas de réponse immédiate aux interpellations mais une réponse – c’est bien la moindre des politesses ! – en fin de débat à toutes celles et ceux qui ont pris sur leur temps pour m’écrire ou venir à ma rencontre. Merci à eux.
Permettez-moi à l’issue de cette séquence politique de vous livrer quelques réflexions ou questionnements :
J’ai reçu au total, entre particuliers et organisations (syndicats, unions…) près de 200 interpellations (tweets, courriers, mails, RV en permanence…).
Que s’est-il passé mardi dernier ? Un accord politique a été voté au sein du Groupe socialiste. Il a très nettement été approuvé : 84 voix pour, 14 voix contre, 11 abstentions. Si le 49-3 me questionne dans son essence démocratique, que dire de mes quelques collègues députés qui refusent une nouvelle fois un vote très clair de leur groupe politique ? Quelle assemblée (politique, associative, syndicale….) – et certains en président – tolérerait-elle cela ? Quelle collectivité pourrait fonctionner si une part de sa majorité s’asseyait sur les positions votées en son sein, très démocratiquement, très nettement ? Ceux qui refusent le vote de leur groupe politique ont rendez-vous avec eux même.
Quel a été mon travail sur cette loi ces dernières semaines ? Au total, j’ai signé 96 amendements, essentiellement pour préserver et améliorer les droits des travailleurs, sécuriser davantage le parcours professionnel du salarié, faciliter le développement de l’activité des TPE/PME.
Quel est désormais le contenu de la Loi ?
Depuis le premier texte, plusieurs versions se sont succédées. Les commissions de l’Assemblée nationale ont eu l’occasion de faire un travail considérable pour rééquilibrer le texte : 300 amendements ont été adoptés par la commission des affaires sociales. Ces dernières semaines, parlementaires et Gouvernement ont travaillé dans un dialogue continu avec toutes les parties intéressées par le texte. Au passage, je note qu’il faut se satisfaire de ces évolutions, du rôle laissé aux parlementaires, tant nous regrettons souvent de ne pouvoir être entendus au fond sur les textes. Il y a chez quelques-uns une schizophrénie à critiquer d’une voix les excès du présidentialisme de la 5ème République et d’une autre voix reprocher ces aller-retour entre l’Exécutif et l’Assemblée Nationale…
Nous en sommes donc à la 4ème version de ce texte qui n’a que peu à voir avec sa version d’origine. Les mesures les plus critiquables ont été soit amendées soit retirées :
- Le plafonnement des indemnités prud’homales ;
- S’agissant des accords d’entreprises, leur renforcement ne se fera pas au détriment des partenaires sociaux. Avec la nécessité d’obtenir l’accord des organisations syndicales qui représentent au moins 50% des salariés au lieu de 30% aujourd’hui. En cas de blocage, ce sera aux seuls syndicats représentant au moins 30% du personnel que reviendra la possibilité d’organiser la consultation des salariés. Le chef d’entreprise n’en aura pas la possibilité. Les branches professionnelles continueront d’exercer un rôle régulateur notamment sur les conditions de travail et d’emploi des salariés concernés.
Le texte actuel comporte des avancées significatives en faveur des salariés et des PME/TPE :
- en matière de congés payés, maternité ou pour événement familial,
- des évolutions pour l’égalité femmes-hommes,
- la lutte contre le dumping social avec le durcissement des sanctions contre le travail détaché ou bien encore,
- des apports en ce qui concerne le compte personnel d’activité,
- le droit à la déconnexion.
Le Gouvernement a engagé sa responsabilité sur ce projet de loi, intégrant 469 amendements en supplément de ceux adoptés en commission. Les craintes concernant le barème des prud’hommes ont été entendues, le rôle des branches renforcé pour exercer un contrôle sur les accords d’entreprise, revenant sur le périmètre du licenciement économique afin que les groupes ne s’exonèrent pas de leurs responsabilités vis-à-vis de leurs filiales.
Pour conclure, notre bilan est imparfait mais n’est pas un bilan de droite.
Nicolas Sarkosy a récemment déclaré qu’il souhaitait en finir avec les contrôles fiscaux et sociaux dans les entreprises. Bruno Le Maire quant à lui propose de contrôler les comptes bancaires des bénéficiaires de minimas sociaux. Alain Juppé cette semaine propose de relever l’âge de la retraite à 65 ans.
Un petit tour du côté des amendements déposés par la Droite n’est pas inutile non plus : le retour pur et simple aux 39 heures payées 35 heures, la suppression du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et du compte pénibilité, la marginalisation des syndicats avec le référendum d’entreprise à l’initiative de la direction…
Voilà ce que serait une politique de droite.
Quant à notre majorité, je me suis efforcée de dresser le bilan des avancées sociales à mettre à son actif depuis 2012 dans un document que je vous invite à feuilleter.
Ainsi, avons nous voté : la prime d’activités pour un gain de 400 euros en moyenne aux 4 millions de salariés les plus modestes, 12 millions de familles ont vu baisser leur impôt de 300 à 1000 euros, la réforme de la CSG retraite a réduit l’imposition de 700 000 revenus modestes, tous les salariés ont accès à une mutuelle alors que 5 millions en étaient privés, les chômeurs qui retrouvent un emploi conservent leurs droits non épuisés grâce à la création de droits rechargeables, l’Education Nationale a retrouvé son rang de premier budget de la Nation, la garantie des loyers a été instituée pour les jeunes et les frais d’agence plafonnés, l’imposition du capital a été alignée sur celle du travail, les loyers des 38 agglomérations les plus chères ont été plafonnés, 700 000 personnes âgées dépendantes ont vu revaloriser de 19 à 30% leurs allocations selon leur degré de dépendance…. Est-ce cela être de Droite ?
J’ai été élue pour travailler, pas pour polémiquer publiquement. J’ai été élue pour être disponible et sur le terrain. Je crois tenir ces engagements.
Je remercie très sincèrement celles et ceux qui m’interpellent. Je comprends leurs positions le plus souvent. J’entends l’envie d’un retour à un vote d’adhésion au PS et non seulement pour éviter la droite ou son extrême. Mais je note également qu’aucune Gauche en Europe n’échappe à la crise que nous traversons : cela ne justifie rien, mais cela éclaire.
Notre bilan est imparfait, mais de Gauche : sachons raison garder dans nos critiques.
Marie-Anne Chapdelaine